A l’occasion de la deuxième conférence biennale European Union in European Affairs (EUEA19), consacrée à la notion de solidarité européenne, les auteurs de l’ouvrage « Les solidarités européennes. Entre enjeux, tensions et reconfigurations » se sont réunis pour présenter leurs conclusions.
L’interdisciplinarité et la solidarité au cœur de la recherche
Dans le cadre de la réalisation de cet ouvrage, il a été essentiel d’apporter une réflexion scientifique et interdisciplinaire à la recherche sur la notion de solidarité européenne. En effet, au fil des chapitres, politologues, économistes, historiens et juristes se passent le relais pour étudier les différents aspects de la solidarité européenne.
La contribution de chercheur.e.s de différents domaines scientifiques apporte à l’ouvrage sa plus-value principale et permet au lecteur d’appréhender d’autant mieux les conflits et les résistances autour de la notion de solidarité en Europe. L’interdisciplinarité est une force et apporte de l’innovation à l’ensemble des contributions faites.
“Cette interdisciplinarité de la réflexion et du projet de recherche est évidemment une plus-value et un des éléments innovateurs et innovants de cette entreprise.” – Anne Weyembergh
L’objectif principal de la recherche a en effet été de se pencher sur différents points de tensions (i.e. Nord/Sud, Est/Ouest, pays contributeurs/pays bénéficiaires des financements…) au niveau européen. Pour cela, les chercheurs se sont concentrés sur quatre axes de recherche—également les axes de recherche de l’IEE—étant : l’Europe comme espace de liberté, de sécurité et de justice en se concentrant notamment sur la question des réfugiés et des migrants ; les politiques économiques et sociales ; l’Europe dans le monde ; et l’Europe comme espace de normes et de valeurs.
La solidarité, une notion aux multiples facettes
Dans la préface de cet ouvrage, le Professeur Philippe Van Parijs—philosophe et économiste—présente les différents aspects et définitions de la solidarité européenne. Ainsi, il introduit la “solidarité de fait” avec l’union économique, la “solidarité comme valeur”, indissociable du modèle social européen, et enfin la solidarité interétatique qui semble être le fondement même du projet européen.
“Il s’agit ici d’un objectif d’examiner la solidarité d’un point de vue juridique : quelles sont les définitions et les fondements de la solidarité. Mais aussi, de voir quels sont les fondements politique de la solidarité européenne.” — Ramona Coman
Plusieurs chercheurs se sont également penchés sur la dualité interne/externe de la notion de solidarité européenne, et comment cela crée également les résistances et des tensions. Cela permet d’avoir une vision plus ‘macro’, tout en se penchant sur le rôle de l’Union européenne dans le monde.
En effet, il a été essentiel de placer l’Union européenne dans le cadre mondial afin de mieux comprendre comment la solidarité, à différents niveaux, agit pour l’Europe.
“Ma contribution explore trois formes de solidarités qui sont fondamentales dans l’Union européenne. D’abord la solidarité transnationale entre européens ; la solidarité internationale entre les États membres ; et enfin la solidarité nationale au sein des pays et des sociétés européennes.” — Amandine Crespy
Dans un autre chapitre, la solidarité est examinée comme outil de réponse aux crises, et également comment les crises ont eu une incidence la solidarité européenne. Louise Fromont conclue notamment que, si la solidarité d’un point de vue économique et monétaire était bien présente dans les traités en amont des crises, celle-ci se présentait surtout dans une dimension négative, qui a été par la suite renforcée par les crises successives.
Quelles mesures pour la solidarité européenne ?
“Il n’y a pas une solidarité mais plusieurs. Il est particulièrement difficile à parvenir à définir la solidarité. Nous avons essayé de synthétiser les différentes définitions que les divers auteurs en donnent” — Anne Weyembergh
Les chercheurs apportent ainsi chacun leurs conclusions et recommandations vis-à-vis de la solidarité européenne et des mesures devant être entreprises pour la renforcer.
La Professeure Amandine Crespy mentionne ainsi le besoin d’un changement de modèle et de paradigme interne à l’Union européenne afin d’aller vers d’avantage de coopérations entre européens et systèmes. Elle ajoute également que ceci doit nécessairement passer par un combat contre les idées reçues, ainsi que la mise en place de nouveaux instruments pour faciliter la coopération et la convergence des politiques.
François Denuit, collaborateur scientifique à l’IEE-ULB, quant à lui mentionne la nécessité de politique tangible et concrètes afin de légitimiser leur projet européen. Pour lui, un Revenu Universel européen serait ainsi un mécanisme de solidarité permettant de concrétiser la citoyenneté sociale européenne.
La Professeure Anne Weyembergh, présidente émérite de l’IEE-ULB, met en avant l’importance d’un double renforcement—interne et externe—de la solidarité en matière de coopération judiciaire et pénale.
Comme ces exemples nous l’indiquent, la notion de solidarité couvre donc plusieurs aspects et significations. Ainsi, dans la postface de cet ouvrage, le Professeur Frank Vandenbroucke, précise à propos de l’Union européenne qu’il s’agit “[d’]un projet d’intégration qui a initialement été conçu comme créant en premier lieu une structure d’opportunités, motivée par l’aspiration à une cohésion croissante, a aujourd’hui besoin d’une assurance mutuelle et donc d’une vraie solidarité. Ainsi, une double perspective de vraies solidarités, nationale et paneuropéenne, semble être la conséquence logique des développements commencés il y a plus de soixante ans”.